« Aller, on me fait dix tours de terrain et plus vite que ça ! » Tu soupires doucement et commences à courir en même temps que ton groupe de sport, dans le genre pas vraiment motivé. L'athlétisme, ça ne t'as jamais vraiment attiré, courir pendant des heures en ronds et se fatiguer pour un rien, c'est loin d'être ton activité préférée. Mais tu t'y mets, à faire des petites foulées, essayant de rester dans un peloton où il y a plusieurs garçons et ne pas être dernier. Le lycée pour toi, ça va plutôt bien. Tu es loin d'être l'un des plus populaires, ni l'un des plus appréciés de ta classe et du lycée, mais ça va, t'es loin d'en faire un drame. Te faire remarquer par les autres n'est pas trop ton style, t'es plutôt solitaire comme garçon en fait, même si tu as quelques amis par-ci, par là. Tu regardes les autres qui courent devant toi et ton regard s'arrête sur les muscles parfaits de leurs bras et de leurs torses, sur leur t-shirts moulants parfois un peu trop serrés des garçons, de la courbe parfaite de leurs fesses alors qu'ils sont en pleins efforts. Oui tes yeux s'y attardent longtemps ... Peut-être un peu trop longtemps. Mais c'est comme si tes yeux étaient aimantés, attirés par cela et que tu ne pouvais rien y faire. Tu ne cherches pas analyser le pourquoi du comment, t'es juste en train de continuer de courir sans pouvoir t'arrêter de mater malgré toi. « Tu vois quelque chose qui te plait ? » cette voix te fait sortir de tes pensées, et tu tournes la tête en continuant tes foulées, tes yeux se posant sur un garçon d'à peu près ton âge, qui est surement dans ton groupe de sport mais pas dans ta classe. Il te regarde, comme s'il arrivait à lire en toi en un battement de cils, comme s'il avait tout compris alors que toi-même t'es dans le brouillard complet. « Qu-quoi ? » D'ailleurs, tu commences un peu à paniquer au fond de toi, car quoi qu'il croit avoir compris, les rumeurs circulent assez vite dans le lycée, et ce n'est souvent pas pour le bien de ceux vers qui elles sont tournées. Il hausse ses sourcils en te faisant un sourire narquois alors qu'il commence à courir plus vite et à continuer les tours de terrain en s'éloignant de toi. Ce n'est pas que ça te plait pas mais ... Ça ne te plait pas du tout. Putain, il t'a vu reluquer un mec quoi ! Ça fait un petit moment que tu penses à ça d'ailleurs. L'adolescence, ça commence à être les premiers émois, les premières petits-copines, les premières histoires de coeur. Sauf que toi, plus tu vois tes amis autour de toi sortir avec des filles, moins ça te donne envie. En fait, tu te rends de plus en plus compte que tu n'as jamais vraiment été attiré par les filles. Tu n'y avais jamais fait gaffe avant, ne pensant pas vraiment à tous ces trucs de petits-amis mais depuis quelques temps, ça te trotte dans la tête. Tu essaies de regarder les filles, de leur trouver des qualités, au moins physique ... Mais tu n'y arrives pas. Il n'y en a aucune qui te plait vraiment, et tu te vois encore moins en couple avec l'une d'elle. Rien que l'idée te dégoûte un peu en fait. Et maintenant, tu prends conscience qu'en fait, à la place, c'est les hommes que tu regardes. Oui, les hommes. Ces êtres humains musclés, avec un torse et un pénis. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, tu n'y peux rien du tout.

« Tu te moques de nous ? » Bam. Ça y est, tu l'avais dit. Et ta nouvelle révélation venait de faire l'effet d'une bombe dans la demeure des Bartholomew. Cela faisait quelques semaines que tu t'en étais vraiment rendu compte, tu avais retourné la nouvelle de tous les côtés dans ta tête et tu avais commencé à te dire qu'il fallait peut-être que tu en parles, que tu l'annonces à quelqu'un. Avoir des secrets, cacher tes sentiments, ce n'était pas quelque chose dont tu avais l'habitude, pas aux personnes proches de toi en tout cas. Tu avais commencé à le dire à ta meilleure amie de toujours, étant conscient qu'elle allait surement bien le prendre, ce n'était pas ta meilleure amie pour rien après tout. Il y avait moins de risque qu'elle te rejettes que tes parents. Et finalement, t'avais raison, elle l'avait super bien accepté, et t'avais fait un immense câlin, toute heureuse pour toi. Sauf que là, c'était à tout autre chose que tu venais de t'attaquer, c'était à tes parents. Tu t'entendais bien avec eux, vous aviez plutôt une bonne relation tous les trois, une belle petite famille soudée et heureuse, vivant tranquillement sa vie riche et sans besoins. Et là, en une seconde, tu venais de briser leur petit monde. Tu n'étais plus le petit garçon si naïf et innocent qui te caractérisait, tu avais quatorze ans, tu apprenais, tu grandissais. Tu avais passé des jours à te demander qu'elle serait la meilleure manière d'annoncer ton homosexualité la moins choquante possible. A écarter de suite l'hypothèse de se mettre tout nu, une plume rose bonbon dans le cul accompagné d'une perruque blonde et sur le torse écrit en gros « i'm gay ! ». Non, définitivement non. Alors toi, tu avais finalement décidé d'opter pour la sobriété : leur dire cash. D'ailleurs, c'est surement grâce à subit élan d'honnêteté que ta mère a fait tomber le plat en porcelaine qu'elle tenait entre ses mains et qui se retrouve maintenant en milles morceaux par terre. Et bien, ça c'est de l'effet qui dégomme tout. « Non non je ... Je suis gay, j'aime les hommes ... » Tu essayais de garder ta voix la plus juste possible, histoire de ne pas monter dans les aigus pour leur montrer à quel point au fond de toi, tu es pire que tendu. Tu devais te montrer confiant, tu ne devais pas t'écraser sous leurs regards quelque peu ... jugeant. Mais c'était dur, personne n'a jamais dit le contraire. C'était tes parents, loin d'être n'importe qui. Et pourtant, il fallait a tout pris que tu campes sur tes positions, quoi qu'ils disent. Tu avais peur qu'à force, si jamais cela se passait trop mal, tu finisses par leur annoncer que ce n'était qu'une blague, que tu ne serais jamais homosexuel, que c'était juste pour les tester. Mais il ne fallait pas, jamais. Tu n'avais jamais été aussi sûr de toi depuis, toujours. Peut-être que des millions d'autres adolescents arrivaient facilement à vivre comme ça, caché, sans ne rien dire à personne, mais tu ne pouvais pas. Il fallait que ça sorte, il fallait que tu sois honnête. « Regarde-moi Andreas ... Je refuse catégoriquement que mon fils soit gay, est-ce bien clair ? » C'est fou comment des fois, tu peux oublier à quel point ta mère peut être effrayante. Elle était là, son regard dur pour te faire changer d'avis, mais tu ne pouvais tout simplement pas. Tu savais très bien que ça n'allait pas être facile d'annoncer cela à tes parents, mais là, ça commence à devenir pire que tout. Tu ne sais pas vraiment quoi répondre alors que l'ambiance dans la pièce est devenue pire qu'électrique. La tête haute Andreas, la tête haute ... Il fallait que tu te calmes, histoire de reprendre un peu tes esprits avant de répliquer. Mais c'était comme-si tout ça était déjà perdu d'avance. Tu n'allais pas la faire changer d'avis, et le fait que tu sois son fils n'y changerai rien. C'est beau d'espérer, mais ta mère n'avait pas l'air d'être prête à accepter. « Maman, c'est pas comme si je l'avais décidé ... Ce n'est pas juste une passe ou un effet de mode ... » En même temps, vive l'effet de mode, tu n'en connaissais aucun qui soit homosexuel comme toi au lycée, à croire que cela n'existait pas et que tu étais même le seul. C'était dur quand même. Tu ne pouvais même pas sortir le genre d'excuse « je ne suis pas gay maman, je suis bisexuel, ce n'est pas si horrible que ça ! » car tu savais très bien que les filles, tu ne pourrais jamais. T'étais absolument certain de cette décision et tu ne pouvais pas mentir en leur disant que t'aimais les mecs, mais que peut-être tu ramènerais une fille à la maison un jour, qui sait ... Parce que toi, tu savais. Et il n'y avait que la gente masculine qui t'intéressait. « ANDREAS NEMO BARTHOLOMEW ! » Tes mains commençaient un peu à trembler alors que ta mère avait une nouvelle fois sorti sa grande voix. Sauf que là, elle avait sorti le nom complet - enfin presque - ce qui voulait dire que ça chauffait et que ça risquerait de mal se passer si tu osais continuer de parler. Cela t'avais toujours donné envie de te marrer qu'elle essaie d'utiliser ton long nom pour montrer à quel point elle ne rigolait plus, comme on pouvait voir chez d'autres familles. Sauf que elle ne pouvait pas vraiment faire ça, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle s'arrêtait à « Némo ». Tu as tellement un nom complet long et compliqué que ça lui prendrait des heures à gueuler ton nom sans faire d'erreur et sans bafouiller. « Tu vas arrêter de nous sortir tes mensonges tout de suite ! Les hommes, ont été créés pour procréer, et pour cela, ils doivent être avec des femmes. C'est la nature. » Tu ne cherches même pas à répondre tellement tu es tendus et que l'agacement profond s'est emparé de toi. La nature ? Elle parle de nature là ? Tu lui en foutrais de la nature. Ça t'abasourdissait à quel point elle n'avait pas envie et ne faisait aucun effort de compréhensions. Elle n'était pas censée être ta mère, celle qui t'as donné là vie, celle qui devrait être là à chacun de tes pas pour te soutenir et te supporter dans chacune de tes décisions ? Ouais, ton cul. Elle fait vraiment mal son travail, là, tout de suite. Alors que tu ouvres la bouche pour essayer une nouvelle fois de faire comprendre ton point de vue, ton père se lève brusquement. Lui qui n'avait pas fait un mouvement depuis que tu avais annoncé la nouvelle et qui vous écoutez assis dans son fauteuil. Son air était grave, et il ne te regardait même pas alors qu'il traversait la pièce, comme si tu n'étais pas là, qu'un fantôme transparent invisible de tous, qu'un spectre sans corps dans lequel on pourrait traverser. Et il sort, la porte claquant à son passage, comme pour mettre une fin à cette discussion pire que désagréable. Sauf que maintenant, tu es dans de beaux draps Andreas.

« Alors comment ça s'est passé ? » A peine la conversation avait-elle terminée par le départ imminent de ton père, que tu n'avais plus eu la force de rester une seconde de plus dans cette maison en compagnie de ta mère. Alors, comme tu le faisais souvent, tu étais allé te réfugier chez ta meilleure amie qui est aussi ta voisine. Elle avait toujours les bons mots, et même lorsqu'elle ne les avait pas, sa seule présence te faisais te sentir mieux. Tu t'affales à ses côtés sur son lit, et tu lui fais une petite moue triste pour lui montrer à quel point l'annonce de ton orientation sexuelle n'était pas si bien passée que ça. Ce n'avait pas été la meilleure annonce aux parents du monde, loin de là. « Si mal que ça ? » grimace Prudence. Tu soupires doucement, ne voulant pas commencer à pleurer pour un rien et tu te mets à raconter en gros comment s'est passé ta mésaventure dans la demeure des Bartholomew. « Oui ... Ma mère m'a dit en gros que j'étais anormal, et mon père ne m'a même pas regardé une fois, comme si je n'existais plus pour lui. » Et ça, c'était surement le plus dur. Voir que ton père, en une seconde, peut te tourner le dos et qu'il n'espère plus qu'en secret que tu sortes de sa vie et qu'il n'ait plus rien à voir avec toi. Encore, si cela avait toujours été comme ça, pourquoi pas, ce n'était pas seulement la faute de tes préférences, mais non, vous entendiez bien avant. Et là, en une seconde, t'avais ruiné, malgré toi, ta relation avec tes parents. Prudence se rapprocha de toi et te pris dans ses bras pour te réconforter, ne pouvant pas faire grand-chose de plus face à la situation. « Je suis désolé pour toi chou ... Faut pas que tu les écoutes ... » Tu le savais, mais c'était difficile pour toi de ne pas prendre en compte ce que t'es parents pouvaient penser, c'était quand même ... Tes parents quoi. Ne pas prendre en compte leur opinions d'un seul coup, pour la première fois de ta vie, n'était pas quelque chose auquel tu étais habitué, mais que tu devras apprendre à faire avec le temps. Et puis, tu te sentais extrêmement coupable aussi. Il ne fallait pas, ce n'était pas de ta faute : tu avais seulement décidé d'être complètement honnête avec tes parents, histoire qu'ils connaissent tout de ta vie et qu'il puisse te soutenir et te connaître mieux. Comme quoi, des fois, il vaut mieux mentir et garder les choses pour soi. « Je sais ... Mais c'est difficile à faire ... » Sérieusement, cette histoire te déprimait complètement. Il fallait tout de même que tu essaies de relativisé, dans certaines familles, les homosexuels étaient encore moins bien traiter et pouvait même se mettre à la rue par leurs parents, se faire enfermé, voir battre. Enfin... Ce n'était pas le cas des tiens quand même ? Non ? Espérons que non. Puis tu tournais ta tête vers la jolie brune et tu lui demandas d'une petite voix. « T'as du chocolat ? » C'était votre truc à vous ça, deux accrocs aux chocolats tels que vous étaient obligés de se retrouver meilleurs amis, ce n'était pas possible autrement. Vous en mangiez tout le temps, à chaque occasion possible, et surtout lors des mauvais jours et des mauvaises nouvelles. Y avaient pas mieux que ta meilleure amie et une grosse tablette de chocolat pour te remonter le moral. « Toujours pour toi sweetie, le remède contre tous les problèmes. » dit-elle en te faisant un clin d'oeil alors qu'elle se levait pour en chercher, et que tu souriais doucement.

Cher journal,
Je sais que cela fait un moment que je n'ai plus écrit entre tes pages, même si j'aime toujours autant écrire. Mais tu sais, voir les regards de mon père et entendre ma mère me rabâcher à quel point cela faisait très gay et fillette d'écrire ses pensées dans son journal intime m'a vite coupé dans toute envie d'écriture. Mais je pense que je vais reprendre, même si maintenant j'ai vingt-et-un an. Ça me manque tout ça, ça m'aidait bien à analyser mes idées et ce que je ressentais. Enfin, si je veux recommencer, c'est que je compte prendre un nouveau départ. Depuis que j'ai dit à mes parents à quel points j'aimais les hommes d'une manière pas tout à fait innocente et amicale, ça a été fini. Mon père ne m'a plus jamais reparler, comme si pof, d'un coup, il n'avait plus de fils. Et ma mère, à force de me critiquer et de me rabâcher des conneries qui ne m'ont pas fait changer de bord, est tombée en dépression. A croire qu'elle fait tout ça pour me faire sentir coupable. J'ai quand même eu de la chance, malgré tout, ils ne m'ont pas jeté de la maison lorsque je leur ai dit. Il n'y avait plus de communication entre nous, mais j'avais toujours un toit, ils me nourrissaient toujours, ils n'ont pas complètement été des monstres. Sauf que là, j'ai besoin de sortir de tout ça et de cet environnement, j'ai besoin de partir à l'aventure : mon anniversaire est passé il y a trois mois et ça fait un moment que je pense à partir d'ici, aller m'installer à San Francisco, commencer une nouvelle vie. Loin de ces regards de jugements et de ces reproches. Je sais que ça ne risque pas d'être facile au début, il va falloir se trouver un boulot dès le début et le garder coûte que coûte, pour ne pas devoir aller vivre sous les ponts, surtout que cette fois-ci, je n'aurai pas l'argent de papa et maman pour m'aider. Vivre avec des parents riches c'est cool, mais dès qu'il faut commencer à se prendre en main, c'est de suite moins marrant. J'ai de la chance, j'ai l'un des amis de mes parents avec lequel j'ai gardé de bonnes relations qui va pouvoir m'installer là-bas, ça sera déjà ça de moins à chercher : c'est un petit duplex, rien de très extravagant, mais qui va bien m'aider. Par contre, il est hors de question que je parte seul. C'est juste improbable pour moi de partir en sachant que Prudence restera ici. Tu ne te rends pas compte à quel point je vais dépérir et m'ennuyer à mourir si jamais je ne l'ai pas à mes côtés tous les jours de ma vie. Alors je lui ai proposé, quelques jours avant son anniversaire. Elle n'a même pas pris le temps d'analyser la difficulté d'aller vivre comme ça ailleurs, ni de se demander comment on allait faire financièrement qu'elle avait de suite répondue oui. Elle a toujours été comme ça, impulsive, sans vraiment réfléchir aux conséquences, mais c'est comme ça que je l'aime. Quoi qu'il en soit, même après lui avoir laissé quelques temps de réflexion, elle était partante. Je lui ai préparé une liste de choses à faire avant de partir, car je la connais, tête en l'air comme elle est, elle risque de partir tranquille avec son petit sac à main et en avant l'aventure ! J'ai surtout bien dévalisé mon compte en banque, pris le plus d'argent possible en liquide, j'ai aussi volé quelques billets à mes parents mais chut, ils ne le remarqueront même pas, et puis j'en ai bien plus besoin qu'eux. Je suis sûr que même lorsque je serai parti, sans rien leur dire, ils ne le remarqueront pas. Ou peut-être seraient-ils content de ne plus me voir dans les parages ? Putain, faut pas que je commence à penser à ça, ça va me donner envie de déprimer alors que ce nouveau départ est censé me remotiver à vivre ma vie comme je la veux et comme je l'entends.

« Il est magnifique, super gentil, il me fait mourir de rire, il m'a offert un bouquet de fleur superbe pour notre premier rendez-vous et je t'ai déjà mentionné à quel point il était magnifique ? » Il fallait te voir, parler à ta meilleure amie avec des putains de milliers d'étoiles briller dans tes yeux. Juste car tu pensais à lui, juste car tu mentionnais son nom, juste car tu étais irrémédiablement amoureux. Tu l'avais rencontré par hasard, alors que tu étais allé chercher quelques livres a emporter à la bibliothèque du coin. Et puis, naturellement, vous vous êtes mis à parler, alors que vous convoitiez le même livre quelques minutes auparavant. Ça a été le coup de foudre pour toi. Tu es tombé sous son charme, comme ça, en un seul regard. Tu savais à l'instant même que tu voulais être avec lui, que tu voulais vivre quelque chose avec lui, et soyons fous, que tu voulais vieillir à ses côtés. T'es comme ça en amour, ça peut paraître insensé pour la plupart des gens que tu ne veuilles pas de coup d'un soir ni t'amuser avec un inconnu chaque soir, mais c'est comment tu es. Faut arrêter de mettre toutes les personnes dans le même sac, tous les homosexuels ne sont pas efféminés, n'écoutent pas du madonna ou lady gaga, ne regardent pas que des comédies musicales et n'ont pas tous envis de se retrouver dans un lit différent tous les soirs. Et ce n'était surement pas ce que tu avais envie de faire après l'avoir rencontré. Après ça, vous vous êtes vu plusieurs fois, pour un café, parler de choses et d'autres, faire connaissance. Puis le premier rendez-vous, ou t'as passé des heures à te préparer, à changer de tenues une minute avant qu'il arrive, à stresser et à te demander si ça allait bien se passer, si t'aurai des choses à lui dire, si tu allais lui plaire. Puis le premier baiser, que tu n'oublieras jamais, alors qu'il te ramenait à ton duplex. Tu n'arrivais pas à croire ce qu'il t'arrivait en ce moment. C'était juste, trop. Trop de bonheur, trop magnifique, trop d'amour. Mais t'étais loin de t'en plaindre, au contraire, tu étais prêt à profiter de chaque seconde passer à ses côtés. Ton petit-ami. Cela te faisait tellement bizarre de l'appeler comme ça, mais ça te faisait tellement plaisir, et Prudence n'arrêtait pas de te moquer de toi à chaque fois qu'elle te voyait sourire comme un imbécile à la moindre mention de son prénom. C'était fou à quel point tu pouvais être obnubilé par lui en si peu de temps. Chaque jour, tu le découvrais un peu plus, et chaque jour tu l'aimais encore plus. Tu ne voyais même pas ses défauts, n'en trouvant aucun et il n'était fait que de qualités que tu cherchais chez un homme. C'était ça, il était parfait, complètement parfait, comme s'il avait été créé pour te convenir, comme s'il n'avait été fabriqué que pour être avec toi. Tu étais enfin tombé sur un homme bien, sur qui tu pouvais compter, qui a chaque rendez-vous te faisais littéralement retomber amoureux de lui. Tu étais prêt à tout pour lui, à tous les sacrifices, car il était le seul qui comptait, et que c'était l'homme que tu avais toujours voulu. Et tu le laissais t'ensorceler avec sa perfection et ses qualités de gentleman jusqu'à ce que tu découvres ce qui clochait vraiment.

Il est marié. Ton petit-ami, l'homme dont tu es éperdument amoureux, celui avec qui tu es depuis deux ans, il est marié. C'est un putain d'homme marié, avec une femme, une maison et tous ces putains de trucs. Et lui te baratines depuis tout ce temps. Tous ses « je t'aime », tous ses baisers, toute cette facette que tu connaissais de lui et qui viennent juste de s'écrouler en un instant devant toi. Il ne t'aimait pas non. Ou apparemment pas assez pour ne pas te mentir. Faire un coming-out n'est certainement pas la chose la plus facile au monde, surtout pour ceux qui n'en sont pas prêt, mais tu n'avais jamais demandé à être mêlé à cela toi. Tout ce dont tu rêvais, c'était de tomber amoureux d'un mec qui t'aimerait en retour, avec qui tu serais sur la même longueur d'onde, quelqu'un qui te serait fidèle et avec qui tu aurais pu construire un futur, une belle petite vie avec des millions de projets. Et quel projets. Qui viennent eux également de s'éclater à la seconde où tu as compris qu'il n'était pas celui que tu pensais. Pacs, mariage, appartement, enfants même ... Tout cela s'est envolé, s'est dissout comme s'ils n'avaient jamais existé, comme si vous n'en aviez jamais mentionné le nom. Et maintenant tu ne ressembles qu'à un misérable gros tas aux yeux rouges, affalé sur le canapé du salon. Tu ne te souviens même pas combien de fois t'as dû pleurer tellement tu l'as fait, mais en tout cas, tes joues encore mouillés s'en souviennent. Tu te sens vraiment pitoyable, d'avoir osé pu croire à tout ça, à tout ce bonheur qui venait en masse depuis deux ans. T'aurai pas du finalement, tout était faux, préfabriqué, tout n'était que mensonges et trahisons. Tu sais très bien que tu as toujours eu ce côté rêveur et naïf, essayant toujours de voir le meilleur chez les gens et gardant un côté innocent, ce qui est plutôt mignon à voir. Mais là, tu t'es pris une grosse claque, et tu aurais préféré ne pas être aussi naïf. T'aurai préféré ne pas t'être fait prendre comme un con comme ça. A trop être naïf, on se fait marcher dessus. Et là, tu viens complètement de te faire écraser mon pauvre Andreas. Tu te retrouves au bout du rouleau, pour n'avoir pas su voir au fond de ton soi-disant petit-copain, pour n'avoir pas su grandir un peu plus et comprendre que tu vivais dans un rêve mais pas dans la vraie réalité. Tu remets toute la faute sur toi, comme si tu étais le fautif de l'histoire, alors que c'est lui, c'est lui qui a bien profité de toi, à tous les étages, et qui aujourd'hui te brise le coeur. Tu te sens tellement mal, comme si plus jamais tu ne pourrais retrouver de sentiments de béatitude, comme si cet énorme trou dans ton coeur restera pour toujours. T'as l'impression que des milliers de petits nains piétinent ton coeur, donnent des coups de marteau sur les parois de ton corps, et tu souffres, tellement Andreas. Mais il faudra que tu t'en remettes. La route risque d'être longue, très longue, personne n'a jamais dit le contraire. Ce ne sera pas facile, tu penseras à cette putain d'erreur tous les jours au début, tu reverras son visage, tu te remémoreras tous les bons moments passés ensemble, tu verras aussi le visage de sa femme, et tout ça te fera encore plus mal, comme si on tordait ton coeur pour bien que tu prennes conscience que tu n'aurais jamais dû te faire avoir comme ça. Mais la vie continue Andreas, soit sûr de ça. Tu devras te montrer fort, faire souvent semblant d'aller mieux alors que tout le monde verra que ce ne sera pas le cas, tu devras te changer les idées le plus souvent possible, faire de nouveaux projets, rencontrer de nouvelles personnes, prendre énormément appuie sur ta meilleure amie qui est toujours à tes cotés et petit à petit, ça ira mieux, légèrement. Je te le promet Andreas, tu surmonteras ça.

Et puis, y a eu ce jour où tout a changé, où tout ton petit monde s'est bousculé. Tu rentrais tranquillement chez toi, après une journée de cours qui s'était plutôt très bien passé : tu avais déjà donné à tes élèves un thème pour le prochain projet qui allait commencer et ils avaient déjà tous des idées qui fleurissaient dans leurs têtes, en pagaille. Cela te faisait vraiment du bien d'être professeur d'art, de s'occuper d'élèves toute la journée : les entendre discuter de leurs vies, du film qu'ils ont vu hier à la télé, ou même de se disputer entre eux te faisais changer les idées, quelque chose auquel, même après un mois, tu avais vraiment besoin. Tu pensais toujours à ton ex-petit-ami, malheureusement, mais tu faisais tout pour ne pas laisser tes pensées prendre le dessus et tu voulais juste, oublier. Pour quelques minutes, pour quelques heures, les deux ans qui venaient de se passer. A peine avoir ouvert la porte et posé tes affaires, tu accours vers ta meilleure amie qui est en pleur sur le canapé. Putain, qu'est-ce qui avait pu se passer de si important pendant que tu n'étais pas là ? « Prue ! Hey. Qu'est-ce qui va pas ? Tu as été virée ? » Bah quoi ? C'était la première hypothèse qui t'étais venu à l'esprit. D'ailleurs, la dernière fois qu'elle avait été virée n'avait pas été un souvenir très heureux pour vous deux puisqu'elle te l'avait caché et que cela avait conduit à une grosse dispute. Tu regardes Prudence, tes yeux montrant clairement à quel point tu es inquiet de la voir dans cet état, et elle nie rapidement de la tête avant de fondre en larmes dans tes bras. Tu la sers contre toi, montrant que tu es là pour elle, sans en savoir plus. Tu te fais mille et un scénario dans ta tête, du plus débile au plus impossible, en espérant juste que quelque chose de grave ne soit pas arrivé. Tu sors un paquet de mouchoirs, histoire qu'elle puisse se moucher et sécher ses larmes lorsqu'elle se calma enfin. Et puis, elle lâcha la bombe, sans prévenir. « Je suis enceinte. » Tu écarquilles les yeux, sous le choc. Tu ouvres ta bouche, cherchant quelque chose à dire alors que ton cerveau tourne à sa vitesse maximale pour que tu comprennes mieux ce qu'il se passe. Et lentement, tu commences à comprendre. « Tu ... Depuis qu'on a ... T'as eu personne ? » Et oui, car il y a un mois, tu avais couché avec ta meilleure amie. Magnifique histoire. C'est ça se bourrer la gueule quand on a une immense peine de coeur à cause d'un connard, on boit, on boit trop, on fait des trucs inimaginables, et le lendemain on se souvient de rien. Et toi, t'avais vraiment fait LE truc quoi, coucher avec ta meilleure amie. T'aimais même pas les filles, tu ne sais même pas comment t'as pu faire ça même en étant complètement bourré. Enfin, heureusement que tu le savais, ta meilleure amie te l'avais dit dès le lendemain, ce qui t'avais donné un immense fou rire, puis une grosse crise de panique dès que tu avais compris que elle, elle ne plaisantait pas. Mais vous aviez oublié tout ça, une erreur, comme tout le monde peut en faire tous les jours, qu'on oublie et pof, on reprend notre vie comme elle l'étais. Sauf que si t'étais assez bourré pour coucher avec ta meilleure amie, t'étais assez bourré pour oublier de mettre de capotes ... Et voilà ce qui se passe, un gosse. Tu réfléchis rapidement alors que Prudence fait non de la tête. Elle n'a couché avec personne d'autre. C'est le tiens Andreas. Le tiens. Et va falloir que t'assures maintenant. Tu fermes les yeux, essayant de te calmer, d'avoir des idées claires. Puis tu attrapes la main de la jolie brune devant toi et tu la serre. « Tu te rappelles ce film qu'on a vu avec Megan Fox ? Les deux meilleurs amis qui font un gosse ensemble et tout ? Bon ils finissent et le mec est pas gay mais ... » Prue te regarde et hoche la tête, essayant visiblement de comprendre où tu veux en venir par cette référence. « Tu veux qu'on le garde ? » Tu mors ta lèvre inférieure, un peu nerveux, puis tu recommences à parler. « Je suis contre l'avortement tu le sais. Mais si tu n'en veux pas alors crois-moi vu les circonstances, je comprendrais. » L'avortement avait toujours été un truc que tu n'arrivais pas à supporter. On pouvait t'expliquer pendant des heures que ce n'était pas un acte barbare constituer à tuer une vie, que lorsque quelqu'un avorte le bébé n'est qu'un foetus et qu'il n'y a donc aucune vie à ce stade-là, mais tu ne comprends pas. Pour toi, c'est quelque chose d'assez immoral, surtout lorsqu'il y en a qui avortent alors que certains couples sont stériles et ne sont pas dans la capacité de pouvoir mettre au monde un bébé. Ou des gens comme toi, qui sont homosexuels et qui ne pourront pas faire d'enfants avec l'homme qu'ils aiment. Tu préfères que quelqu'un mette un bébé en adoption, qu'il puisse avoir une meilleure vie, que d'avorter comme certains le font. Mais évidement, il y a certaines situations où tu peux penser différemment. « Je suis contre aussi. C'est juste ... C'est la situation la plus bizarre quoi soit. Tu crois qu'on peut y arriver ? » Tu te tais pendant quelques secondes puis tu lui réponds. « Ce n'est pas un film mais notre amitié est plus forte que tout Prue ? Ce sera bizarre pour notre entourage et je t'explique pas lors de rendez-vous. J'ai un enfant avec ma meilleure amie mais je suis gay. Et l'inverse pour toi. Les gens vont nous prendre pour des fous et tout mais je pense qu'on peut le faire. On sera des supers bons parents, on trouvera des gens géniaux comme partenaire et ce bébé aura quatre parents super et il sera le plus chanceux du monde. Je veux dire, on se dispute jamais, je vois pas en quoi c'est pire que des parents qui divorcent ... Alors, tu marches ? » Apparemment, elle marche, vu le sourire qu'elle aborde et vu le câlin que tu reçois. « Je peux déjà affirmer que tu seras le meilleur père du monde. » Tu fais un grand sourire en la regardant, embrasse fort sa joue et la garde dans tes bras alors que tu t'assois mieux sur le canapé pour regarder la télé. Tu ne sais pas si tu seras vraiment le meilleur père du monde, mais tu essayeras et feras tout pour, ça tu en es sûr. Un silence confortable s'installe alors que vous regardez la télé quand ... « Je veux du chocolat. »