Deux mois plus tôt

Quand Prue reprend conscience, elle a un mal de tête comme elle n’en a jamais eu et à la certitude qu’elle pourrait en mourir. Elle essaie d’ouvrir un œil mais aussitôt une lumière forte l’agresse et elle le referme immédiatement. Et même si son crâne la fait souffrir, qu’elle est certaine que tous ses neurones sont devenus des batteries à un concert de rock, elle se fait la remarque qu’elle n’a certainement jamais bu autant qu’hier soir. Fichue gueule de bois. Elle grogne et se retourne pour enfoncer son visage dans l’oreiller et s’étouffer. Ca fait trop mal, sa vessie est désagréablement remplie et pire, l’envie de vomir lui remonte déjà dans la gorge et la bile lui brûle l’œsophage. C’est là qu’elle se demande comment peut-elle penser que boire est une fichue bonne idée. En se retournant – ce qui la fait se sentir plus mal – elle frôle un corps chaud à côté du sien et elle peste. Elle ne ramène jamais ses coups d’un soir chez elle de peur qu’ils s’attachent. Elle se force à ouvrir un œil pour voir qui est avec elle et elle aperçoit des cheveux bouclés. Bouclés comme ceux d’Andreas. Elle soupire. Elle met tous les efforts du monde pour se relever et aperçoit effectivement son meilleur ami dans les bras de Morphée avec une mine horrible. Le connard qui lui servait de mec lui avait brisé le cœur il y a moins de vingt-quatre heures et elle ne s’attend pas à ce qu’il est soudain une super tête surtout avec tout l’alcool qu’ils avaient ingurgité hier. Elle note avec difficulté qu’elle est nue et qu’Andreas l’est aussi. Mais elle ne s’affole pas, ils sont tellement proches qu’il n’y a aucune gêne de ce genre entre eux. Elle imagine très bien qu’un d’eux a dû vomir et qu’ils se sont débarrassés de leurs fringues puis écroulés. Elle veut se rendormir maintenant qu’elle sait où elle se trouve. Elle est rassurée et veut oublier son mal de tête mais sa vessie se rappelle méchamment à elle et Prue soupire. Elle met bien dix minutes à se redresser tellement son estomac proteste mais il faut vraiment qu’elle aille aux toilettes. C’est en se mettant debout qu’elle sent quelque chose de désagréable entre ses cuisses. Quelque chose de blanc, de sec qui ne peut être qu’une chose. Cette fois la nausée est trop forte et elle se précipite dans les toilettes.

Andreas passe la journée au lit. Il se réveille et se rendort. Elle le force à prendre de l’aspirine à un moment et ensuite se met à cuisiner. Elle a besoin de se vider la tête. Elle a couché avec son meilleur ami. Son meilleur ami gay. Son meilleur ami gay au cœur brisé. C’est certainement le pire truc qu’elle ait jamais fait. Tout en faisant cramer le repas qu’elle prépare et en buvant beaucoup de café, elle rationnalise. Ils étaient bourrés au plus haut point, c’est un miracle qu’ils n’aient pas fini aux urgences. Et de ce fait, ils ont couché ensemble par frustration parce que leurs vies craignent. Mais elle ne s’en rappelle pas. Elle se rappelle d’avant mais pas de pendant. Ce qui fait qu’elle pourra toujours regarder Andreas dans les yeux et que quand elle lui aura dit il pourra faire pareil. Après ça, dans quelques années, ils en riront et ils finiront certainement par oublier. « Qu’est-ce que c’était exactement ? » Elle jette un regard dans la poêle où tout est noir. « Des œufs et du bacon. » Il grimace et son regard s’illumine devant le café. Sans faire de sentiments, Prue balance la poêle dans la poubelle et va s’asseoir en face du jeune homme. « Comment tu te sens ? » « Mis à part la gueule de bois ? Minable. J’arrive pas à croire que j’ai été aussi con. » Prue lui fit un petit sourire piteux. « Tu veux que je te dise un truc qui te fera oublier ce con quelques minutes au moins ? » « Essaie toujours. » « On a couché ensemble. » Andreas écarquille les yeux et puis… Explose de rire. Il manque de s’étouffer avec le café et il en pleure de rire. L’idée est tellement absurde. Ils sont comme frère et sœur et n’ont pas la même orientation sexuelle. Le pire truc au monde. Le truc très con. Le truc qui n’arrive qu’à elle. Quand il se rend compte qu’elle ne rit pas, il s’arrête brutalement et elle voit de la panique dans son regard. « Ne panique pas ! » Il met un peu de temps à assimiler ce qu’elle veut lui dire. « Non… C’est pas possible tu as un… » Il a une grimace de dégoût. « Un vagin ! » « Je te remercie, ça me fait plaisir. Ce n’est pas un monstre non plus. » « Mais comment… tu te rappelles ? » « Non. » « Alors comment tu sais qu’on a… C’est pas possible Prue, c’est juste… fou. » « Je sais. J’ai retourné ça pendant des heures. Ecoute, je me rappelle d’avant, je me rappelle de la soirée et de nous rentrant à la maison. Je sais que j’ai couché avec personne là-bas. On est rentré tous les deux à l’appart’, je le vois et ensuite c’est le trou noir. Mais ce matin il y avait des traces assez évidentes si tu vois ce que je veux dire. » « N’entre pas dans les détails ! » Prudence soupire et attrape les mains du garçon dans les siennes. « Ecoute. On se rappelle de rien et ça n’aura aucune conséquence sur notre amitié. On en parlera comme la blague de l’année, ça fera bien rire mais il n’y a aucune raison qu’on soit gêné. J’ai pris une douche et de ce fait, il n’y a plus aucune trace de ça. Au final, ce sera comme si ce n’était jamais arrivé. » Si elle savait…

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Quelques jours plus tard

Ils sont en train de manger chinois devant un stupide talkshow et elle regarde Andreas rire en souriant. Il est toujours anéanti par sa relation mais arrive à penser à autre chose l’espace de quelques heures, c’est un progrès. Elle avale un beignet de crevette avant de lui faire part de ce qu’elle a en tête. « J’arrête de coucher. » Il se tourne vers elle, surpris. Prue est heureuse d’une chose : leur aventure d’un soir a vite amené un large panel de blagues mais aucune gêne entre eux. Ils ne se rappellent de rien et ça n’aura aucune conséquence. « J’ai bien réfléchi et à chaque fois que je me réveille à côté d’un homme, je me demande si c’est mon prince charmant. Et puis je m’enfuis. Je cherche l’amour mais je finis seulement par coucher alors c’est décidé. Je vais m’inscrire sur un site de rencontre et je vais chercher mon âme sœur. Et surtout, pas de sexe avant cinq rendez-vous. » Andreas lui sourit gentiment. « Tu devrais t’inscrire avec moi tu sais. » « C’est encore trop tôt. » Elle lui fait un sourire triste et se lève pour lui faire un câlin. Il lui rend et pendant quelques minutes on n’entend plus que quelques minutes. « Tu te crois capable de faire ceinture ? » Elle hausse les épaules et éclate de rire suivi de son meilleur ami.

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Un mois plus tôt

Elle a tenu. Elle a fait ceinture depuis cette fameuse conversation et s’est inscrite sur le site. Elle a eu quelques rencontres mais rien de prometteur. Honnêtement, elle regrette cette décision de ne pas coucher. Parce que ça veut dire qu’elle ne peut pas nier. Elle est enceinte de quatre semaines et la seule personne qui peut être le père est Andreas. Elle a pris son après-midi et a mangé un peau de glace entier en pleurant parce que là c’est trop. Sa vie est généralement une suite d’échecs mais elle croyait que ça s’était arrangé. C’est faux. Elle attend un enfant de son meilleur ami gay. Qu’est-ce qu’elle a fait dans une autre vie sérieusement ? Le karma lui en veut, ce n’est pas possible autrement. Andreas rentre avec le sourire, il n’est pas entièrement remis de sa rupture mais il est fort, il ne se laissera pas abattre pour un con. Quand il la voit, il se précipite sur elle. « Prue ! Hey. Qu’est-ce qui va pas ? Tu as été virée ? » Elle fait non de la tête et fond en larmes dans ses bras. Il la console sans trop savoir pourquoi et après un paquet de mouchoirs, elle arrive enfin à lui dire ce qui ne va pas. « Je suis enceinte. » Il écarquille les yeux. Il ne sait pas quoi dire puis doucement il commence à comprendre. « Tu… Depuis qu’on a… T’as eu personne ? » Elle fait de nouveau non de la tête et il ferme les yeux. Un très long silence passe. Prue est perdue. Elle ne veut pas perdre Andreas, elle ne sait pas quoi faire avec ce bébé, elle a peur. Puis Andreas attrape sa main et la serre fort. A lui faire mal. « Tu te rappelles ce film qu’on a vu avec Megan Fox ? Les deux meilleurs amis qui font un gosse ensemble et tout ? Bon ils finissent ensemble et le mec est pas gay mais… » Prue hoche la tête et le regarde, pas sûre de ce qu’elle doit comprendre. « Tu veux qu’on le garde ? » « Je suis contre l’avortement tu le sais. Mais si tu n’en veux pas alors crois-moi vu les circonstances, je comprendrais. » « Je suis contre aussi. C’est juste… C’est la situation la plus bizarre qui soit. Tu crois qu’on peut y arriver ? » Il ne dit rien un instant puis acquiesce. « Ce n’est pas un film mais notre amitié est plus forte que tout Prue ? Ce sera bizarre pour notre entourage et je t’explique pas lors de rendez-vous. J’ai un enfant avec ma meilleure amie mais je suis gay. Et l’inverse pour toi. Les gens vont nous prendre pour des fous et tout mais je pense qu’on peut le faire. On sera des supers bons parents, on trouvera des gens géniaux comme partenaire et ce bébé aura quatre parents super et il sera le plus chanceux du monde. Je veux dire, on se dispute jamais, je vois pas en quoi c’est pire que des parents qui divorcent… Alors, tu marches ? » Prue sourit et serre Andreas fort dans ses bras. « Je peux déjà affirmer que tu seras le meilleur père du monde. » Il sourit l’embrasse sur la joue et la cale dans ses bras pour regarder la télé avec elle. Un moment passe et puis… « Je veux du chocolat. »