« Tu viens jouer chez moi, demain, Jarvis ? » Le blondinet acquiesça de son éternel sourire enjoué, avant de checker son ami et partir en trottinant chez lui. Le fameux lendemain, on était un samedi, et les enfants de onze ans ce n’est vraiment pas comme les adolescents à glander chez eux toute la journée sans rien faire du tout. Non non, à cet âge ils ont besoin de se dépenser, en constante agitation. À peine levé, vers dix heures et encore il était un lève tard, il sauta hors du lit et gambada jusqu’à la cuisine pour se faire un bol de céréales rempli à ras bord de lait. Qu’est-ce qu’il aimait cela, le lait. Bien sûr, son père était encore au travail, il était toujours au travail, et il ne rentrerait probablement pas du week-end. La constatation l’attrista un peu, mais insouciant comme il était, il finit par hausser des épaules et attraper une pomme au passage avant d’embrasser sa nourrice qu’il aimait comme une mère, ébouriffer les cheveux de son petit frère et partir presque en courant vers la maison de son ami Alex. Vous savez, quand on joue à cet âge, on ne s’occupe pas de faire attention à la boue et ses affaires. Et c’est ce qui se passa encore cet après-midi. Après deux bonnes heures intenses à jouer au football, ils s’écroulèrent au sol, la tête de Jarvis sur le torse de son ainé. Ce dernier, d’un geste machinal lui caressa ses beaux cheveux désordonnés. « Nous c’est pour la vie, hein Alex ? » Ce n’était même pas une question, et ils se sourirent silencieusement, dans ce confort qui leur était propre et unique.



« Je m’en vais pour San Francisco demain… » Jarvis faillit s’étouffer avec sa glace au chocolat, et adressa un sourire rieur à Alex. Genre il lui racontait une bonne blague. Mais l’air sérieux de son meilleur ami lui fit rapidement perdre son sourire enjoué. « Tu plaisantes, hein, Alex ? » Ce dernier soupira devant le déni de son cadet. Seize ans qu’ils se connaissaient, jour pour jour, depuis la naissance de Jarvis pratiquement, et voilà que maintenant ils allaient devoir se quitter à cause d’un déménagement, d’une dérogation de la mère d’Alex. Tout cela était bien trop con. « Mais pourquoi est-ce aussi précipité ? » « Ça ne l’est pas. C’est prévu depuis deux ou trois mois, mais j’ai décidé de ne pas t’en parler, pour pas que tu sois triste. » Quel abruti… Il fallait toujours qu’il soit celui qui le protège. Encore plus depuis l’accident de Xander il y a un an. Il se sentait tellement inutile, le boulet de son meilleur ami, cela lui donnait envie de pleurer. Il avait l’impression qu’il allait le perdre pour toujours, que c’était bien la dernière fois qu’ils se parlaient. « Je te promets qu’on se retrouvera Jarvo. Je te promets. » Ce dernier se contenta de hocher la tête et renifler, sentant les larmes lui piquer les yeux. Il savait que c’était sûrement une connerie, cette promesse, mais naïvement, il préférait le croire. L’espoir fait vivre, comme qui dirait…



On se retrouve à présent trois ans plus tard. Trois ans que Percy et Jarvis ont emménagé à San Francisco. Deux ans que Jarvis a retrouvé Alex. Un an et demi qu’ils sont officiellement ensemble. Ezra partait en tournée de temps en temps pour son groupe qui marchait plutôt bien, mieux que les jumeaux l’avaient espéré, et Jarvis ne pouvait qu’être content pour son frère. Le blondinet se réveilla doucement bercé par les chauds rayons d’un soleil matinal, confortablement installé sur le torse nu de son homme. Son homme, c’est bien compris ? Lorsqu’il repensait que ses amis le taquinaient auparavant sur le fait qu’Alex et lui étaient gays ensemble, qu’il se mettait en colère et leur casser la gueule en jurant haut et fort qu’ils n’étaient qu’amis, il se mettait à glousser comme une fille conne que l’on croisait dans la rue. Il se devait de s’excuser… s’il les revoyait un jour. Qui pensait également qu’en s’inscrivant sur un site qui paraissait aussi stupide que meetic, aka jecherchequelqu’un.com, il retrouverait son meilleur ami d’enfance, et qu’il se rendrait peu à peu compte qu’il en était amoureux. Enfin… heureusement qu’Alex avait fait le premier pas, parce qu’il était un peu lent à la détente, parfois. Surtout quand cela revenait aux amours. Le réveil sonna, et il dut émerger complètement, gémissant dans un semblant de plainte, se tirant hors des bras de son amour et se dirigeant vers la douche. Ils partageaient également un appartement depuis la rentrée, son père l’ayant presque jeté dehors, pour son bien et il n’avait pas refusé du tout, lorsqu’il eut atteint la majorité. Cela allait être encore une année bloody fantastique !